Le crâne de Dom Jean-Baptiste Desnoyers à l’abbaye de Cîteaux — ARCCIS : Association pour le rayonnement de la culture cistercienne

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Le crâne de Dom Jean-Baptiste Desnoyers à l’abbaye de Cîteaux

Dom Jean-Baptiste Desnoyers (1768-1849) est une figure peu connue de l'histoire cistercienne durant la Révolution et l'Empire. Entré à La Trappe, il est profès de la Val-Sainte et participe successivement à la fondation de Westmalle (Belgique), Lulworth et Stapehill (Angleterre). Rentré sur le continent, il prend en charge d'autres communautés, notamment de carmélites.
Son crâne était conservé à l'abbaye de Melleray - fondée par les moines de Lulworth - jusqu'à la reprise de cette maison par une communauté du Chemin Neuf. Il est aujourd'hui à l'abbaye de Cîteaux, tout comme une partie des reliques et de la bibliothèque monastique.

Né à Paris le 31 mars 1768, fils d’un homme de loi, Louis-Alexandre Desnoyers est une figure peu connue de l’histoire cistercienne sous la Révolution. Il entre à la Trappe en 1789 et prend le nom de frère Jean-Baptiste. Les circonstances dramatiques de la Révolution décident Augustin de Lestrange, maître des novices de La Trappe, et une vingtaine de moines à s’exiler en Suisse, à la Val-Sainte. Le frère Jean-Baptiste y est profès en 1792 ; la fonction de cellérier lui est rapidement confiée.

 

Un projet de fondation au Canada

 

La Val-Sainte attire de nombreux moines et Dom Augustin de Lestrange nourrit un projet de fondation au Canada. Frère Jean-Baptiste est choisi avec quelques compagnons pour réaliser cet espoir. Ils quittent la Val-Sainte le 28 août 1793 pour s’embarquer à Amsterdam et gagner – dans un premier temps – l’Angleterre. Les frères doivent toutefois stationner en Brabant : c’est alors que des propositions sont faites pour fonder l’abbaye de Westmalle (près d’Anvers). Tandis que les frères Arsène Durand et Eugène de Laprade restent sur place, Frère Jean-Baptiste poursuit le voyage avec de nouveaux compagnons avec l’intention de concrétiser le projet canadien. Cependant, arrivé en Angleterre, ce dessein sombre.

 

La fondation de Lulworth et de Stapehill, en Angleterre

 

De grandes familles anglaises espèrent garder les trappistes en Angleterre. C’est ainsi que Thomas Weld accueille le petit groupe de frères dans une loge de son parc de Lulworth Castle et fait bâtir à quelque distance du château un monastère qui leur est destiné. Le 9 mars 1796, seize moines y font leur entrée. Ils sont d’abord appréciés de la population qui peut alors corriger les idées reçues circulant sur cette terre anglicane à propos de la vie monastique. Malheureusement, la communauté de Lulworth eut bientôt à essuyer l’hostilité soudaine de la presse et les ravages qu’elle entraîne. Des tensions naissent entre Dom Jean-Baptiste Desnoyers et le bienfaiteur de la communauté, Thomas Weld. Dom Bernard Benoist (moine de Darfeld) est nommé supérieur de Lulworth au mois de mai 1802. La disponibilité de Dom Jean-Baptiste est mise au service des moniales de Madame de Chabannes qui s’installent à Stapehill. C’est d’ailleurs lui qui bénit la maison et préside les solennités de l’Installation en novembre et décembre 1802. Les sœurs apprécient son dévouement et son zèle à leur égard.

                   Dom Jean-Baptiste Desnoyers                    Thomas Weld

 

Le retour en France et une nouvelle vocation

 

Fin mai 1804, Dom Augustin de Lestrange décide toutefois de rappeler Dom Jean-Baptiste à la Val-Sainte. Sa mauvaise santé le retient quelques semaines à Paris. Il est choisi comme supérieur de Soisy-sous-Étiolles (Sénart), qui accueillait des anciens religieux de La Trappe mais aussi des religieuses. À l’automne 1804, il installe cette double communauté dans l’ancien prieuré des camaldules de Grosbois à Yerres.

En décembre 1804, le pape Pie VII est à Paris pour le sacre de Napoléon : Dom Jean-Baptiste Desnoyers demande au souverain pontife et obtient d’être relevé de ses vœux monastiques très probablement pour raison de santé. Il reste bien sûr prêtre et se met à la disposition de l’évêque de Versailles. L’abbé Desnoyers poursuit son œuvre auprès de la communauté sise à Yerres où un bel élan de ferveur est observé. La situation financière des religieux et religieuses est cependant peu brillante. L’évêque de Versailles – supérieur médiat de la communauté – décide alors d’instituer l’abbé de la Val-Sainte supérieur de la maison de Yerres : l’abbé Desnoyers devait donc être remplacé. À son retour d’un voyage en Bourgogne (fin mars 1808), il est mis devant le fait accompli et se voit interdire l’entrée de la maison.

 

Le zèle de l’abbé Desnoyers pour les carmélites

 

La même année 1808, Jean-Baptiste Desnoyers réalise une nouvelle fondation. Il s’entend alors avec Mademoiselle de Réverseaux – la future Mère Marie Joseph – qui s’orientait vers la vie carmélitaine. Un couvent de carmélites est ainsi fondé à Savy-Berlette. Il se développe rapidement. Lorsque Napoléon décide de supprimer tous les couvents de La Trappe de l’empire (1811), l’abbé Desnoyers s’attèle à récupérer l’ancien prieuré des camaldules de Yerres pour y installer les carmélites ; ce qu’il obtient en 1813. Les religieuses doivent toutefois quitter les lieux durant l’été 1815. Elles s’établissent alors à Arras où elles espèrent jouir de la protection de l’évêque, Monseigneur de la Tour d’Auvergne Lauraguais, ami de Jean-Baptiste Desnoyers. Pourtant, les relations entre les deux hommes se brouillent tandis que la santé financière des carmélites est préoccupante.

Dans ces circonstances difficiles, l’abbé Desnoyers se tourne vers Monseigneur Belmas, évêque de Cambrai, qui le nomme vicaire de la paroisse Saint-Étienne de Lille en octobre 1816. Presque un an plus tard, le 3 septembre 1817, les carmélites s’installent à proximité dans les bâtiments d’un ancien couvent dont ils font ensemble l’acquisition. L’entente entre Jean-Baptiste Desnoyers et Mère Marie Joseph de Réverseaux ne dure cependant pas : l’abbé envisage une école pour accueillir des filles pauvres ; ce projet inquiète la religieuse soucieuse de la préservation de la vie contemplative.

 

Les dernières années

 

Il quitte Lille dans le courant du mois d’octobre 1819 à la recherche d’un nouveau poste. Les informations à son propos manquent pour éclairer de façon complète le reste de sa vie. D’octobre 1822 à juillet 1827, il réside à Versailles : il est précepteur et gouverneur des enfants du marquis de Bouthillier, administrateur général des Postes et arrière petit-neveu de l’abbé de Rancé. En 1834, il devient curé de Séry-les-Mézières. Dix ans plus tard, alors qu’il est âgé de 76 ans et que sa santé est précaire, l’évêque de Soissons – Monseigneur de Simony – le décharge et le nomme chanoine honoraire de Soissons. Il meurt pieusement en cette ville le 25 février 1849.

 

Le chef de Jean-Baptiste Desnoyers

 

Le lieu de sépulture n’est pas connu. Toutefois, son chef aurait été légué aux carmélites de Douai, une fondation de Mère Marie Joseph. Il aurait ensuite été recueilli par le carmel de Namur, et enfin par celui de Jambes en 1905. Si aucun document ancien ne prouve son identité, une tradition orale solidement établie auprès de la communauté carmélite belge atteste l’authenticité du crâne de Dom Jean-Baptiste Desnoyers. En 1967, le père Jérôme du Halgouët, moine de l’abbaye cistercienne de Melleray, demande aux carmélites de céder le chef à ce monastère qui avait été fondé par les moines de Lulworth. Les religieuses avaient accepté sa demande et lui avaient envoyé le crâne.

Depuis 2016, les moines cisterciens de la stricte observance ne sont plus à l’abbaye de Melleray – habitée désormais par une communauté du Chemin Neuf – et le chef du fondateur de Lulworth est maintenant conservé à l’abbaye de Cîteaux.

 

Éric DELAISSÉ

 

Pour en savoir plus :

Jérôme du Halgouët, « Le fondateur disparu J.-B. Desnoyers », dans Cîteaux. Commentarii cistercienses, 17 (1966), p. 89-118.

Roland Jousselin, La double vocation de Jean-Baptiste Desnoyers (1768–1849), Bégrolles-en-Mauges, Abbaye de Bellefontaine, 2001 (Des lieux et des temps, 5).